Solitude la mûlatresse, Martyre de la liberté
Le 29 Novembre 1802 sur l'île de la Guadeloupe, une femme est exécutée par pendaison sur ordre de la république Française.Elle a 30 ans. Son nom est Solitude, la mûlatresse Solitude à cause de sa très peau claire , héritage du viol d'une captive africaine entravée, sur le bateau qui la transportait vers le Nouveau Monde.Juste la veille, Solitude a mis au monde l'enfant qu'elle portait, aussitôt arraché au sein de sa mère pour s'ajouter aux biens d'un propriétaire d'esclaves.Elle aurait dû être executée quelques mois plus tôt, mais les colons ne voulaient pas de gachis: ce ventre animée pouvait rapporter deux bras de plus à une plantation.
Huit ans plus tôt, dans l'euphorie de l'aprés-Révolution Française, l'abolition de l'esclavage est décrétée, le 4 Février 1794, dans les colonies Françaises, malgré la farouche opposition des colons blancs qui contrôlent les îles des Antilles.Libérés de leurs chaînes , les noirs sont nombreux à s'éloigner de leur environnement de servitude, pour tenter de se reconstruire une vie bien à eux loin des anciens maîtres.
Solitude est de ceux là.En 1796, sa liberté acquise, elle choisit de rejoindre une communauté de <Négres Marrons>, ceux qui, refusant l'esclavage, s'étaient retranchés dans les montagnes, au camp de Goyave. Mais les autorités de l'île voient d'un mauvais oeil ces regroupements de Noirs livrés à eux-mêmes et envoient un escadron pour décimer ces communautés rebelles.Rescapée de la tuerie, Solitude s'enfuit avec les survivants dont elle prendra le commandement. Pendant prés de quatre ans, le groupe erre dans la clandestinité, pourchassé d'un bout à l'autre de l'île par les troupes Françaises.
Puis en Mai 1802, Napoléon Bonaparte, alors consul de France, décide de rétablir l'esclavage.Son épouse, Joséphine de Beauharnais, est une fille de colons de la Martinique et il ne peut aller contre leurs intérêts. En Guadeloupe, les citoyens noirs redeviennent esclaves et sont réincorporés dans les biens de leurs anciens maîtres ou, si ces derniers ne sont pas identifiés, revendus au profit des pouvoirs publics. Une traque infernale s'instaure contre les négres récalcitrants qui refusent de réintégrer leurs anciennes exploitations.
L'île sombre dans un chaos sanglant. Ceux qui sont rattrapés pourissent sur les potences ou sont jetés vivants sur les bûchers en place publique. Mais, bientôt, l'écho de l'insurrection des Noirs haÏtiens conduite par le général Toussaint Louverture contre le rétablissement de l'esclavage résonne dans les cases. Pour parer à toute éventualité, Napoléon Bonaparte envoie une importante escadre de renforts en Guadeloupe où gronde la révolte. Solitude, alors enceinte d'un <Négre Congo>, quitte sa retraite avec ses compagnons pour rejoindre les insurgés conduits par le commandant Louis Delgrès, premier officier de l'armée Française. Bien que mûlatre antillais et occupant une fonction officielle , Luis Delgrès, révolté par le revirement de l'état français sur l'abolition, prend le parti de ses frères de couleur et mène l'insurrection.
Paris fera donner la troupe. Mais les 300 combattants de la liberté, femmes et enfants compris, choisissent de se faire sauter sur les hauteurs de Basse-Terre, capitale de la Guadeloupe, en allumant un tonneau de poudre sous leur pieds, plutôt que de se rendre au général de Richepanse venu mater la rébellion. Sous les cadavres déchiquetés, Solitude a miraculeusement survécu au carnage. Sa grossesse lui évite la corde, mais pour quelques mois seulement... Jusqu'au lendemain de son accouchement.
Extrait de divas N° 01 Juin/Juillet 1999.Auteur: SYLVIA SERBIN, posté par: NGLAYE